Après l’accord de libéralisation du commerce UE-Nouvelle-Zélande ratifié fin 2023, les députés européens sont saisis de deux nouveaux accords : les accords avec le Chili et avec le Kénya sont en effet à l’ordre du jour de la Commission commerce international du Parlement européen ce mercredi 24 janvier, avant de l’être de celui du Parlement européen dans son ensemble à la fin du mois de février. Dans deux déclarations distinctes, des dizaines d’organisations de la société civile - dont plus d’une vingtaine pour la France - appellent les eurodéputés à s’opposer à ces deux accords qui s’inscrivent dans un modèle de libéralisation du commerce (et de l’investissement) totalement obsolète, prolongeant des logiques néocoloniales d’appropriation des ressources naturelles au détriment des populations locales et de la protection de l’environnement.
Le collectif national Stop CETA-Mercosur, et ses partenaires, publient deux déclarations :
- Plus de 100 organisations appellent les eurodéputés à voter NON à l’accord UE-Chili
- Lettre ouverte aux députés européens pour qu’ils votent contre l’accord UE-Kénya, endossée par plus de 40 organisations
Pour justifier l’accord de libéralisation du commerce entre l’UE et la Nouvelle-Zélande, conduisant à importer des produits de l’autre bout de la planète (agneau, boeuf, lait, beurre, pommes, kiwis etc) alors que nous en produisons en Europe, la Commission européenne et le gouvernement français avaient affirmé qu’il s’agissait là de l’accord le plus « progressiste » jamais négocié et qu’il serait désormais l’exemple à suivre pour les accords suivants. Les accords avec le Chili et le Kenya sont au contraire fondés sur des principes totalement dépassés qui ne satisfont à aucune des exigences de ce 21e siècle : lutte contre le réchauffement climatique, réduction des inégalités, respect des droits humains, relations commerciales égalitaires et sincères.
Le projet d’accord de libéralisation du commerce et de l’investissement UE-Chili, signé en catimini le 13 décembre dernier, en pleine COP28 sur le climat, est une nouvelle version de l’accord en vigueur depuis 2003. Il est toujours aussi déséquilibré et vise principalement à ce que les entreprises européennes puissent mettre la main sur les matières premières très convoitées produites au Chili, telles que le lithium ou le cuivre, au risque d’aggraver la pression minière et les conflits socio-environnementaux, déjà très nombreux, dans le pays. L’électrification et le verdissement de l’économie européenne peuvent-elles se réaliser au prix d’une dégradation de la situation socio-environnementale des pays du Sud tels que le Chili ?
Cet accord UE-Chili maintient également un dispositif de règlement des investissements investisseurs-État (ISDS en anglais), forme de justice parallèle accessible aux seuls investisseurs étrangers qui leur est généralement extrêmement avantageux, protégeant leurs intérêts au détriment de la capacité des États et des pouvoirs publics à réguler leurs activités et mener des politiques de transition socio-écologiques. Ainsi, ce dispositif a permis aux entreprises françaises Vinci et ADP de poursuivre le Chili en raison de bénéfices insuffisants tirés de l’aéroport de Santiago dont ils ont la charte suite à la décision du gouvernement chilien de prendre des mesures sanitaires pendant la pandémie de COVID19 ayant eu pour effet de réduire le trafic aérien.
Quant à l’accord UE-Kenya, il n’est pas plus acceptable. Il va principalement profiter aux investisseurs européens déjà présents dans les secteurs agricoles kenyans tournés vers l’exportation (fleurs, etc), enfermant encore davantage la région dans son rôle de fournisseur de matières premières à faible valeur ajoutée. Plus grave, cet accord va saper les efforts d’intégration régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est : comment imaginer qu’une union douanière telle que celle-ci ne soit pas profondément déstabilisée par un accord bilatéral qui va générer une pression concurrentielle dans l’ensemble de la CAE ? Ainsi, comme c’est le cas pour l’APE intérimaire avec la Côte d’Ivoire et le Ghana, le lait en poudre européen, moins cher, va traverser les frontières et compromettre la capacité des autres pays de la CAE à garantir leur propre sécurité alimentaire.
La stratégie de l’UE consistant à isoler certains pays africains dans l’espoir que d’autres pays de la région, mis ainsi sous pression, se joignent à de tels accords ne peut produire aucun résultat positif, si ce n’est renforcer une relation commerciale inégalitaire et insoutenable qui ne peut que générer une dépendance de forme néocoloniale à rebours de ce qu’il faudrait faire.
Autant de raisons qui conduisent les organisations signataires de ces deux textes à appeler les membres du Parlement européen à voter contre l’accord de libéralisation du commerce et de l’investissement UE-Chili et l’accord de Partenariat économique UE-Kenya.
Pour le collectif national Stop CETA-Mercosur, « les États-membres de l’UE et la Commission européenne continuent de vouloir insérer toujours plus d’activités, d’entreprises et d’emplois dans la mondialisation et la concurrence internationale, ce qui se fait au détriment de l’ambition climatique et écologique, de la protection des emplois et des conditions de travail, du maintien d’une agriculture paysanne de qualité et soutenable, ainsi que des promesses de relocalisation faites pendant la pandémie - ce n’est pourtant pas une fatalité et il est urgent d’emprunter une voie alternative vers la relocalisation écologique, sociale et solidaire ».
Pour vous informer et vous impliquer, vous pouvez :
- vous inscrire par mail sur le site du collectif Stop CETA-Mercosur
- suivre les comptes Twitter et Facebook du collectif,
- vous inscrire sur ce canal Telegram d’information (peu de messages)