L’entreprise canadienne TransCanada a annoncé mercredi 6 janvier son intention de poursuivre l’État fédéral américain devant un tribunal arbitral en raison de la décision du Président Obama de ne pas autoriser le projet d’oléoduc KeyStone XL [1]. KeyStone avait pour but de transporter les pétroles bitumineux issus des champs de l’Alberta jusque dans le Golfe du Mexique.
TransCanada s’appuie sur le chapitre 11 de l’ALENA (Accord de libre-échange USA-Canada-Mexique) et le mécanisme de règlement des différends Investisseur-État du traité.
L’entreprise estime la décision du Président Obama injuste, et prétend que des permis ont été octroyés à des projets similaires dans le passé. Selon elle, cette décision ne serait pas fondée sur la qualité intrinsèque du projet mais sur la « perception de la communauté internationale que l’administration fédérale américaine devrait agir en leader en matière de lutte contre le changement climatique » [2].
TransCanada réclame donc 15 milliards de dollars de compensation, arguant du manque à gagner au regard des profits qu’elle escomptait.
TransCanada a par ailleurs initié un recours juridique parallèle contre le gouvernement Obama, auprès d’une cour fédérale au Texas, affirmant que le refus du Président d’accorder le permis de construire allait à l’encontre de constitution américaine. La compagnie aura ainsi le privilège de choisir la décision qui lui sera la plus avantageuse, droit dont nul autre citoyen ou entreprise nationale ne peut jouir.
Les plaintes déposées par TransCanada confirme les inquiétudes des mouvements sociaux et citoyens. Ceux-ci alertent depuis des mois parlementaires et responsables politiques français et européens des risques que comportent les accords de libre-échange lorsqu’ils incluent un mécanisme d’arbitrage au bénéfice exclusif des investisseurs étrangers. L’accord UE/Canada (CETA) et l’accord UE/États-Unis (TAFTA), qui comprendront ce type de dispositif, pourraient de la même façon permettre à une entreprise européenne ou nord-américaine d’attaquer une décision publique dès lors qu’elle menacera ses intérêts, fut-elle nécessaire à la santé publique, à la protection de l’environnement ou à la sauvegarde du climat [3].
Pour Amélie Canonne, de la campagne Stop TAFTA en France, « cette nouvelle plainte prouve que la cohabitation entre le régime international de commerce et d’investissement actuel et l’ambition prétendue de lutter contre le changement climatique est impossible. ALENA, TAFTA ou CETA sont incompatibles avec les objectifs affichés lors de la COP 21, car ils permettront à n’importe quelle entreprise du secteur des énergies fossiles d’attaquer toute politique ambitieuse visant à la transition énergétique. »
« Le cas TransCanada pose une question démocratique fondamentale : est-il normal qu’une entreprise puisse unilatéralement contester une décision d’intérêt général devant un panel d’arbitres ne répondant à aucune juridiction publique ? Cette plainte va dissuader les gouvernements nord-américains d’agir pour le climat, et contribuer à paralyser l’action publique. Sans compter le coût de la procédure et les potentielles indemnités, qui seront facturés aux contribuables américains » commente Nicolas Roux, également engagé dans la campagne Stop TAFTA en France.