Arborée comme l’un des trois piliers de la « nouvelle » stratégie commerciale, la transparence des négociations, en particulier autour du traité transatlantique UE-USA, se résume pourtant, encore et toujours, à une manœuvre de relations publiques. Dans les faits, elle introduit même encore plus d’opacité pour un certain nombre d’acteurs qui pouvaient jusqu’alors accéder aux notes internes de la Commission.
Toute à son entreprise de propagande, la Commission publiait aujourd’hui un compte-rendu de la 11e session de négociation de Miami (du 19 au 23 octobre derniers), et la proposition d’un chapitre sur le développement durable dont une version avait de toute façon circulé en ligne il y a quelques semaines.
Mais l’envers du décor est moins méritoire : les fonctionnaires de l’équipe négociatrice de l’UE ont en réalité prévu trois types de compte-rendu. Du plus détaillé - et donc confidentiel- au plus édulcoré, le dernier étant bien évidemment celui en accès-libre sur le site de la Commission. Les documents informant véritablement de l’état des pourparlers ne seront accessibles qu’aux ministres et à une poignée d’eurodéputés jugés concernés, dans une salle sécurisée à Bruxelles (à moins qu’ils ne veuillent se rendre à l’Ambassade américaine de leur capitale...).
Pire : les élus allemands au Parlement avaient jusqu’à présent accès aux versions électroniques des documents de la DG Commerce, transmis par le ministre fédéral du commerce comme l’exige la pratique à Berlin. C’est désormais impossible : ils verront les mêmes documents que le grand public.
La décision remonte à juillet dernier : les fuites à répétition avaient déclenché l’ire de C. Malmström, qui s’était empressée de redéfinir les modalités d’accès aux documents.
« Le compte-rendu publié aujourd’hui, quoique absurdement long de 22 pages, ne fournit aucune information nouvelle en comparaison de celles communiquées par la presse spécialisée après la session de Miami. On nous explique surtout que les discussions se poursuivent et que les négociateurs négocient. Alors que l’élément central de Miami a été l’échange d’une nouvelle offre de libéralisation douanière, aucune précision n’est apportée sur ce qui figurera dans les 97% libéralisés de l’UE, et encore moins concernant les 3% qui seront protégés. Or c’est ce type d’informations que réclament la société civile et le grand public ! » précise Johan Tyszler, du Collectif français Stop TAFTA.
En Allemagne, la décision de C. Malmström a provoqué un tollé du Parlement. Le Président du Bundestag, Norbert Lammert, a prédit que la ratification d’un accord qui n’aurait pas pu être discuté lors son élaboration serait presque impossible. Le secrétaire d’État au Commerce français, Matthias Fekl, s’est régulièrement agacé de ce « manque total de la transparence [qui] pose un problème démocratique ». La France va-t-elle alors s’ériger contre la reculade de Mme Malmström ? Ce serait la moindre des choses si ses représentants veulent crédibiliser leurs annonces.
Pour en savoir plus :
La Communication de la DG Commerce
Le rapport détaillé du 11e cycle de négociations diffusé ce matin