La Commission européenne voit dans l’élection de Lula au Brésil l’opportunité de ressusciter l’accord de libéralisation du commerce entre l’UE et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) qui vise principalement à exporter des voitures et à importer plus de boeuf et de soja sur le territoire européen. Dans son discours de victoire, Lula a pourtant indiqué qu’il souhaitait reprendre le partenariat avec l’UE "sur de nouvelles bases". Bruxelles n’a-t-elle rien d’autre à proposer qu’un accord qui vise à approfondir la mondialisation au moment où il faudrait au contraire la réguler au nom de l’impératif climatique, social et démocratique ? Nos organisations appellent toutes les forces sociales, écologiques, paysannes, citoyennes, ainsi que les collectivités territoriales, à se remobiliser contre ce projet d’accord suranné.
Quelques jours avant l’élection de Lula, Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, déclarait que l’UE était « pleinement engagée » en faveur de l’accord avec le Mercosur. Depuis son élection, Bruxelles et les capitales européennes bruissent de prises de position officieuses selon lesquelles ce résultat électoral au Brésil serait le signe et le bon moment pour tenter de ressusciter l’accord UE-Mercosur pourtant largement décrié.
Conclu en 2019, après 20 ans de négociations, l’accord UE-Mercosur est en effet l’objet d’une forte mobilisation citoyenne qui ne cesse de souligner les conséquences prévisibles d’un tel accord tant sur le plan écologique et social, qu’en termes de violations des droits humains : que ce soit en matière de déforestation (expansion de l’agrobusiness du soja et du boeuf), de réchauffement climatique ou de non-respect des droits humains, ces conséquences ont même conduit plusieurs États européens, dont la France, à s’opposer à l’accord "en l’état".
La guerre de la Russie en Ukraine, la sécheresse en Europe ou l’élection de Lula ne sauraient justifier la relance de cet accord qui ne résout aucune des graves crises auxquelles sont confrontés nos pays respectifs : on ne combat par le réchauffement climatique en renforçant plusieurs de ses moteurs (déforestation, commerce international, agro-industrie et industrie automobile thermique), pas plus qu’on ne résout l’inflation des matières premières en augmentant notre dépendance aux produits d’importation, ou la crise géopolitique en augmentant la concurrence entre les populations et nos systèmes économiques.
L’heure n’est pas à créer quoi qu’il en coûte un nouvel espace intercontinental de libre-échange commercial visant à importer toujours plus de boeuf et de soja des pays du Mercosur pour leur exporter toujours plus de voitures thermiques et pesticides fabriqués en Europe. Un tel accord menace également les secteurs industriels et les services publics des pays du Mercosur sur lesquels lorgnent les grandes entreprises européennes.
Lors de son discours de victoire, Lula a d’ailleurs indiqué clairement qu’il ne voulait plus de ce commerce international là : "nous voulons un commerce international plus équitable" a-t-il indiqué, précisant qu’il souhaitait "reprendre les partenariats avec les États-Unis et l’Union européenne sur de nouvelles bases" et que le Brésil n’était "pas intéressé par des accords commerciaux qui condamnent notre pays à l’éternel rôle d’exportateur de produits de base et de matières premières". Une telle prise de position implique de revoir le contenu de l’accord UE-Mercosur et de rouvrir les négociations. Pas de rédiger un protocole additionnel sur le climat et la déforestation qui est l’option privilégiée par la Commission européenne.
En septembre 2021, dans une lettre ouverte adressée à la Commission européenne et au gouvernement français, plusieurs dizaines d’organisations françaises appelaient à ce que
1) l’accord UE-Mercosur soit définitivement abandonné
2) la Commission et les États-membres mettent fin aux efforts entrepris pour tenter de le sauver
3) l’assemblée nationale et le Sénat suivent l’exemple autrichien et adoptent une résolution indiquant que les parlementaires n’approuveront pas cet accord
4) les collectivités territoriales se prononcent "contre l’accord UE- Mercosur et pour la relocalisation écologique et solidaire" ;
Il est temps que Bruxelles et les capitales européennes l’entendent : il n’est pas digne et acceptable que Bruxelles n’ait rien d’autre à proposer au Brésil et aux pays du Mercosur qu’un accord qui vise à approfondir la mondialisation au moment où il faudrait au contraire la réguler au nom de l’impératif climatique, social et démocratique. Le collectif Stop CETA-Mercosur, en lien avec ses partenaires européens et sud-américains, fera des propositions en ce sens prochainement.
Pour aller plus loin, quelques ressources sur l’accord UE-Mercosur :
- Site Internet de la coalition transatlantique de la société civile : http://stopeumercosur.org
- Déclaration de 450 organisations + Vidéo
- Position de la société civile brésilienne ;
- Déclaration syndicale (CCSCS et CES) transatlantique ;
- Analyse de l’accord UE-Mercosur par Attac France et l’Aitec
- Demandons aux collectivités territoriales de s’engager contre l’accord et pour la relocalisation écologique et solidaire ;
- Publication de la coalition Solidarité Brésil sur la situation gravissime des droits humains au Brésil,
- Rapport de l’ONG Grain L’accord commercial UE-Mercosur va intensifier la crise climatique due à l’agriculture
- Rapport des Amis de la Terre (27 mai 2020) : « L’accord au cou », le coût réel de l’accord UEMercosur
- Rapport de Greenpeace & CCFD-Terres Solidaires : Accord Mercosur : les risques pour le climat et les droits humains
- Sur les conséquences pour le monde agricole, voir cette fiche technique de la Confédération Paysanne
- Rapport de Foodwatch et Powershift : Le commerce à tout prix ? Analyse d’accords de libre-échange en cours de négo.