L’Allemagne, qui prend la présidence de l’UE ce 1er juillet pour 6 mois, a fait de la finalisation et de la ratification de l’accord de commerce UE-Mercosur une priorité de sa présidence. Raison pour laquelle plus de 260 organisations de la société civile, dont une vingtaine organisations françaises (Attac France, Aitec, Amis de la Terre, France Nature Environnement, Sherpa, Confédération paysanne, Ligue des Droits de l’Homme, Foodwatch, etc), appellent Angela Merkel et l’ensemble des États-membres de l’UE à rejeter cet accord annoncé comme conclu en juin 2019. Depuis un an, la Commission finalise et révise le texte de l’accord dans la plus grande opacité afin de le soumettre à signature et ratification. Cet accord est pourtant fortement controversé : après les Parlements autrichien et wallon, c’est le Parlement hollandais qui a voté une résolution demandant au gouvernement de retirer son soutien à cet accord. En France, après s’être félicité d’un tel accord, Emmanuel Macron a publiquement retiré son soutien en marge du G7 en août 2019, alors que les feux de forêt en Amazonie scandalisaient l’opinion publique mondiale.
Mais depuis, Emmanuel Macron n’a pas semblé décidé à empêcher que cet accord voit le jour. Ses ministres ont précisé qu’il s’agissait d’une opposition à l’accord "en l’état", laissant penser qu’une modification à la marge pourrait les faire changer d’avis. Et aucune initiative publique n’a été prise pour que l’accord soit abandonné. Bolsonaro ou pas, feux de forêts ou pas, cet accord UE-Mercosur vise à approfondir une globalisation économique qui fait de l’intérêt des multinationales (ouverture des marchés etc.), notamment celles de l’agro-business et de l’automobile, un objectif supérieur à la protection de la planète, aux droits sociaux et droits des populations.
A l’heure où l’opinion publique a basculé – 90% des sondés appellent à la relocalisation des activités – il est de notre responsabilité collective de rappeler inlassablement pourquoi il faut s’opposer à l’accord UE-Mercosur et exiger d’Emmanuel Macron qu’il rejette l’accord UE-Mercosur sans condition. En s’appuyant sur les votes autrichiens, hollandais et wallons, il devrait également construire une minorité de blocage au sein du Conseil européen pour empêcher ce projet d’accord d’aller plus loin.
Déclaration endossée par 265 organisations de la société civile.
Ici en français avec la liste des signataires (également disponible en anglais, espagnol, italien).
Il est encore temps – Mettons fin à l’accord UE-Mercosur !
Les négociations entre l’Union Européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), en cours depuis plus de 20 ans, ont abouti à un accord politique en Juin 2019. Depuis lors, la Commission européenne travaille à la finalisation de l’accord de libre-échange UE-Mercosur en vue de sa signature. Mais l’accord est fortement controversé. Les parlements autrichien, wallon et récemment néerlandais ont même rejeté l’accord sous sa forme actuelle, tandis que des États membres importants de l’UE (la France et l’Irlande) ont exprimé de fortes critiques. Il est difficile de trouver un accord aussi obsolète, tant dans sa conception que dans sa concrétisation politique, que l’accord UE-Mercosur.
L’accord UE-Mercosur implique :
- l’aggravation de la destruction de l’environnement et de la crise climatique par l’expansion de l’exportation de voitures et l’extension des monocultures et des pâturages. La production de viande et de soja continue à accélérer la destruction de la forêt humide amazonienne, du Cerrado et des forêts tropicales sèches du Chaco, qui sont essentiels pour la stabilisation du climat mondial et pour la biodiversité. L’accord va récompenser ces pratiques. L’Observatoire brésilien pour le climat écrit : « Les garanties environnementales prévues dans l’accord, qui étaient déjà insuffisantes même avant la COVID-19, ont rendu le document obsolète ». Le récent rapport sur l’Amazonie préparé pour le Parlement européen, affirme que « les incendies et le rythme de la déforestation en Amazonie mettent en danger la plus riche biodiversité de la planète ». Et, dans les faits, l’accord ne contient aucun mécanisme innovant permettant d’assurer que les parties vont respecter les engagements internationaux qui ont été énumérés dans les dispositions relatives au développement durable. Le rapport ajoute encore : « Au cas où les violations persisteraient, l’accord ne prévoit que des pourparlers diplomatiques, sans possibilité d’imposer des sanctions matérielles (c’est nous qui soulignons) ». Tandis que les conséquences sur l’environnement sont très concrètes, les dispositions pour les éviter sont insuffisantes. La situation décrite par le rapport du Parlement européen devrait suffire à convaincre les gouvernements que l’accord ne peut être ratifié tel qu’il est.
- l’augmentation des violations des droits de l’homme en toute impunité, notamment la violence physique et l’expulsion de petits cultivateurs et des populations autochtones de leurs terres. De nombreux dirigeants indigènes et défenseurs de l’environnement des pays du Mercosur ont été assassinés, dont cinq au seul Brésil entre Novembre 2019 et Avril 2020. Sous le gouvernement du Président Jair Bolsonaro en particulier, les violations des droits humains contre les minorités, les membres de l’opposition, ainsi que le démantèlement des droits des travailleurs se multiplient. En concluant un accord commercial avec des gouvernements qui promeuvent des politiques répressives et de pillage, l’UE récompense les violations des droits humains, en contradiction flagrante avec ses propres valeurs démocratiques. Les accroissements de parts de marché qui résulteraient de cet accord sont des encouragements supplémentaires à commettre de tels abus.
- une politique agricole tournée vers l’exportation générant un effet néfaste sur les prix à la production agricole dont dépendent les agriculteurs du Mercosur et des pays de l’UE. Cela va augmenter la souffrance animale et porter préjudice aux chaînes de production locales d’aliments. L’UE exige un meilleur bien-être animal et est dotée de normes sanitaires supérieures à celles du Mercosur, ce qui rend la production agricole plus coûteuse au sein de l’UE. Au lieu de renforcer les règles du Mercosur, cet accord va permettre un plus grand accès aux viandes bon marché sur les marchés européens, créant de la sorte une pression à la baisse sur les prix à la production agricole des deux côtés de l’Atlantique. L’augmentation des exportations de viande, l’intensification des cultures de soja et de canne à sucre, soit comme aliments exportés dans l’UE pour l’élevage, soit comme carburants, vont intensifier la destruction de l’environnement, l’utilisation d’OGMs, d’antibiotiques et de pesticides, et la pollution accrue des sols et des eaux. En outre, de nombreux pesticides utilisés dans le Mercosur sont interdits dans l’UE.
La pandémie de COVID-19 devrait nous rappeler que la destruction de la biodiversité et la poursuite d’une croissance économique et mondialisée débridée ont exposé l’humanité à des menaces majeures. Le statu quo n’est plus une option. L’accord avec le Mercosur nous ramène dans le passé. La politique commerciale doit, au contraire, soutenir des chaînes de valeurs relocalisées et plus courtes, moins susceptibles d’être perturbées, et offrant une plus grande liberté aux gouvernements pour créer des systèmes alimentaires et de santé résilients et décentralisés, et une capacité accrue de produire des médicaments et des équipements médicaux au niveau régional. L’UE doit transformer les objectifs de sa politique commerciale et s’orienter vers l’adoption de règles multilatérales qui appuient et sont subordonnées aux politiques écologiques, sociales et de droits humains, qui tiennent compte des limites de la planète et qui favorisent la paix. Au lieu de cela, cet accord-ci va accentuer les asymétries commerciales entre les blocs, accroître le chômage, détruire l’environnement et mettre en danger la santé des populations des deux côtés de l’Atlantique.
Nous avons besoin de plus de coopération, pas de moins : le rejet de l’accord UE-Mercosur ne doit pas être interprété à tort comme le rejet d’une coopération constructive avec la région. L’UE doit être un partenaire respectable et respectueux dans la lutte contre la faim et la pauvreté, le changement climatique et la mise en application des conventions fondamentales de l’OIT, les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales tels que définis dans la déclaration des Nations-Unis sur le sujet, et l’établissement de normes strictes pour le bien-être animal. Cette coopération doit être transparente, inclusive, et soutenir l’engagement actif des organisations de la société civile. Au lieu de cela, l’accord actuel entre l’UE et le Mercosur va dans la direction inverse.
C’est pourquoi nous appelons les gouvernements des États-membres, la Commission et le Parlement européen à rejeter cet accord !