Après dix ans de négociations, l’Union européenne et l’Indonésie viennent d’annoncer ce 23 septembre avoir conclu un accord de libre-échange (CEPA) et d’investissement (IPA). Cet accord « huile de palme » contre « voitures » est dénoncé par les organisations de la société civile indonésienne et européenne en raison des menaces qu’il porte à l’environnement, au climat, aux droits des femmes et des peuples autochtones, aux travailleurs, aux petits agriculteurs et aux pêcheurs. Après des accords avec Singapour, le Vietnam, la Nouvelle-Zélande, le Chili ou encore le Kenya, et alors que l’accord UE-Mercosur est toujours vivement rejeté, l’UE s’obstine à vouloir insérer toujours plus d’activités, d’entreprises et d’emplois sur les marchés mondiaux et approfondir ses dépendances extérieures, tant pour les importations que pour les exportations. Le collectif national Stop CETA-Mercosur se joint aux organisations de la société civile indonésiennes et européennes pour appeler à bloquer ce nouveau coup porté à la souveraineté alimentaire, à la sécurité sanitaire, à lutte contre le réchauffement climatique et à la protection des droits des populations.
Déforestation. Quatrième pays le plus peuplé au monde et l’une des économies émergentes les plus dynamiques, l’Indonésie est aussi et surtout le premier producteur mondial d’huile de palme. Accusée à juste titre de contribuer massivement à la déforestation, la culture du palmier à huile est l’un des moteurs majeurs de la déforestation en Indonésie, selon les organisations indonésiennes et les ONG internationales. L’annonce de cet accord intervient le jour même où la Commission européenne a proposé de retarder à nouveau d’une année supplémentaire l’entrée en vigueur du règlement européen contre la déforestation (EUDR), prévue pour le 30 décembre 2025.
Matières premières. L’Indonésie dispose d’abondantes ressources naturelles, notamment en nickel, mais leur surexploitation doit être combattue, notamment celle qui ne profite qu’aux entreprises transnationales et non aux populations locales. Cet accord pourrait piéger l’Indonésie dans des échanges de faible valeur en libéralisant des politiques minières essentielles qui privent le gouvernement indonésien de la marge de manœuvre nécessaire pour protéger les moyens de subsistance de la population.
— -> [(Lire la déclaration et la liste des organisations signataires en .pdf)
Investissement. Alors que les accords de libéralisation de l’investissement, et leurs dispositifs de protection des investisseurs sont décriés de toute part, et ont conduit à ce que l’UE doive se retirer du Traité sur la charte de l’énergie, il n’est absolument pas cohérent de continuer à négocier des accords de ce type avec des pays du Sud tels l’Indonésie. Les juridictions nationales sont largement suffisantes pour offrir des voies de recours aux investisseurs en cas de besoin : ils n’est pas acceptable qu’ils aient accès à une justice parallèle bien plus avantageuse pour eux.
Obstination. L’obstination avec laquelle l’UE continuer à négocier des accords de libre-échange pour libéraliser autant de marchés agricoles, industriels, de services et de matières premières que possible, au détriment des équilibres écologiques, des droits des populations et des activités sur les territoires. Cette logique doit cesser : il est temps que l’UE cherche à établir des partenariats équitables avec les pays tiers en respectant les droits humains et des populations locales, ainsi que la protection de l’environnement de la biodiversité et de l’eau.
Nous publions ci-dessous des citations d’organisations de la société civile indonésienne, tirées du communiqué du Réseau européen ETJC.
Salsabila Aziziah (Koalisi Masyarakat Sipil untuk Keadilan Ekonomi / Coalition indonésienne des OSC pour la justice économique) :
En concluant cet accord, l’UE et l’Indonésie privilégient les intérêts commerciaux des multinationales au détriment de ceux des communautés locales et de la nature. Elles ont négocié en secret, même si cela affectera la vie quotidienne des citoyens indonésiens et européens. Des questions telles que l’emploi, les droits, les stratégies de croissance et la protection de la nature sont des enjeux de politique publique qui doivent être débattus au grand jour, afin que le public puisse prendre conscience des enjeux et des possibles compromis. Les risques sont considérables et les quelques informations diffusées au compte-gouttes ne nous rassurent pas.
Afgan Fadilla (Serikat Petani Indonesia/Union des paysans indonésiens) a déclaré :
Les négociations sur l’accord de partenariat économique global (CEPA) entre l’UE et l’Indonésie ont potentiellement imposé l’UPOV, préjudiciable à la vie des paysans. L’UPOV vise à renforcer les droits de propriété intellectuelle des entreprises semencières, et non à préserver les moyens de subsistance ou les droits des paysans. Pour les paysans, les semences sont plus qu’un simple intrant. Elles sont le fondement de la souveraineté alimentaire, du patrimoine culturel et de la résilience écologique. L’UPOV restreindra les pratiques traditionnelles de conservation, d’échange et de développement des semences, qui sont au cœur de l’agriculture paysanne. Au lieu d’adopter l’UPOV, les États doivent renforcer les systèmes semenciers dirigés par les paysans et promouvoir des cadres juridiques reconnaissant les droits des paysans, tels qu’ils sont consacrés par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP).
Tuti Suwartini (FSP FARKES REFORMASI/Fédération des syndicats des travailleurs de l’industrie pharmaceutique et de la santé) :
Les récentes modifications législatives en Indonésie, notamment la controversée loi omnibus, ainsi que le rétrécissement de l’espace politique des travailleurs et de la société civile, menacent de compromettre les engagements de l’accord en matière de développement durable. Les droits fondamentaux tels que la liberté d’association, la fixation des salaires, la négociation collective et la protection contre la discrimination antisyndicale sont particulièrement menacés. L’OIT et d’autres organisations ont critiqué la loi omnibus pour son affaiblissement de ces protections et son non-respect des conventions fondamentales de l’OIT. De plus, la contestation de cette loi a entraîné la répression des manifestations, l’arrestation de dirigeants syndicaux et des restrictions des libertés civiques.
Organisations membres du collectif national Stop CETA-Mercosur : ActionAid France, Aitec, Amis de la Terre France, Attac France, Confédération Paysanne, CGT, Greenpeace France, Fédération Artisans du Monde, Fondation Copernic, FoodWatch, FNE, FSU, Solidaires, etc
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