Après avoir négocié l’accord commercial avec le Japon, le JEFTA, dans l’opacité la plus totale, allant même jusqu’à ne publier le texte en français que très récemment, la Commission européenne et les États membres, sous emprise des lobbys d’affaire, ont poussé à un vote de ratification du Parlement européen ce jour, avant les élections européennes. Cela est d’autant plus déplorable que cet accord est porteur de grands dangers.
Une bombe à retardement : la coopération réglementaire
Le JEFTA comporte notamment un mécanisme de coopération réglementaire, piloté par un « Conseil de coopération réglementaire ». Pour Jean Michel Coulomb d’Attac, « Comme celui du CETA, l’organe de coopération réglementaire du JEFTA, maître de son agenda, sera dirigé par des hauts fonctionnaires, sans aucune barrière digne de ce nom vis à vis des conflits d’intérêts avec les milieux d’affaires. Alors que le lobbying des entreprises transnationales est dûment reconnu et institué dans ce mécanisme, les élus, européens comme des États membres, en sont par contre exclus. Ces entreprises auront ainsi, en amont du processus réglementaire, la faculté de proposer leurs propres textes tout en filtrant les propositions qui ne leur conviendront pas ». Le JEFTA est ainsi un accord évolutif, sans aucun contrôle démocratique. Une bombe à retardement en forme de chèque en blanc aux transnationales !
Un danger pour le climat
Contrairement au CETA, le texte du JEFTA fait référence à l’Accord de Paris (chapitre 16). « Mais la lecture attentive du texte de l’accord démontre que, au delà des déclarations de principe non contraignantes, l’application de l’Accord de Paris est en fait explicitement mis sous la coupe des termes du JEFTA » fait remarquer Hélène Cabioc’h d’Aitec. En effet, toute mesure adoptée ou maintenue en « déclinant les accords multilatéraux sur l’environnement » ne peut l’être que « sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées d’une manière qui constituerait un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable contre l’autre partie [Japon, UE ou État membre] ou une restriction déguisée au commerce » (article 16.4.5). Par ailleurs « l’augmentation des transports de marchandises entre Japon et pays de l’Union européenne ne pourra que participer de façon notable au réchauffement climatique » alerte Laurent Ciarabelli du collectif Stop TAFTA.
Un danger pour les droits sociaux
De façon similaire (toujours dans le chapitre 16), les engagements des État dans le cadre de l’Organisation internationale du travail (OIT) sont bien réaffirmés mais ils ne doivent pas contrevenir au droit relatif au commerce et à l’investissement. De surcroît, le Japon n’a pas ratifié deux des huit conventions fondamentales de l’OIT. « Le niveau de considération des droits du travail par le Japon augure de sa future propension à estimer, dans le cadre de la mise en œuvre du JEFTA, que les droits du travail dans l’UE sont des « obstacles au commerce et à l’investissement » » fait remarquer Sylvain Goldstein de la CGT.
Un danger sanitaire
Le renforcement de la propriété intellectuelle en faveur des grandes entreprises (avec une mention spéciale, cf. article 14.35, pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques agricoles) va nuire gravement à la transparence dans le secteur industriel. Il sera ainsi beaucoup plus difficile d’obtenir des révélations telles que celles qui ont mené au “Dieselgate” (scandale de triche généralisée aux contrôles pollution dans le secteur de l’automobile révélé en 2015). « L’absence de toute référence au principe de précaution va favoriser la remise en cause par le Japon de la directive OGM, notamment via le Conseil de Coopération Réglementaire, le Japon étant le pays qui en autorise le plus dans la production et l’alimentation » rajoute Thierry Jacquot de la Confédération Paysanne.
La poursuite de l’actuelle politique commerciale de l’Union européenne, à laquelle le gouvernement français souscrit et participe pleinement, est une insulte à l’intelligence et aux droits des peuples et la Nature. Alors que d’autres accords de libre échange sont en préparation, nous appelons au renforcement de la lutte contre ces accords et à leur substitution par des accords de juste échange où les droits sociaux, sanitaires et environnementaux y sont des valeurs contraignantes.