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Conclusion de l’accord de libre-échange UE-Mexique ?

lundi 20 janvier 2025

Ce 17 janvier, trois jours avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, et quelques semaines après l’annonce de la conclusion de l’accord UE-Mercosur, la Commission européenne a annoncé unilatéralement avoir conclu la modernisation de l’accord de libre-échange et d’investissement avec le Mexique. Négocié dans la plus grande opacité depuis 2016, déjà annoncé comme conclu en pleine pandémie de COVID19 en 2020, cet accord a pour ambition de « moderniser » l’accord existant depuis 2000. Si le Mexique a depuis démenti le fait que l’accord soit pleinement conclu, l’UE présente cet accord comme la démonstration de sa capacité à conclure de nouveaux accords en réponse aux menaces de droits de douanes des États-Unis. Au risque de donner l’impression de n’avoir qu’un seul type de réponse datée (et obsolète) aux nouveaux défis actuels : alors que les dirigeants de l’UE multiplient les discours politiques sur la relocalisation des échanges et la résilience économique, pourquoi continuer à vouloir insérer toujours plus d’activités et d’entreprises dans une mondialisation insoutenable ?

Les relations commerciales bilatérales UE-Mexique sont régies par les accords de l’OMC et par le pilier commercial de l’accord de partenariat économique, de coordination politique et de coopération UE-Mexique (également appelé « accord global ») conclu en 2000. En 2016, l’UE et le Mexique ont annoncé vouloir moderniser cet accord. Un « accord de principe » sur le volet commercial de l’accord global modernisé UE-Mexique a été annoncé en avril 2018 et les derniers détails techniques sur les marchés publics sont supposés conclus depuis avril 2020. Sans que l’accord ne soit jamais annoncé comme conclu, ni même ratifié, depuis.

L’annonce de ce 17 janvier 2025 relève donc surtout d’une opération de communication visant à donner l’impression que l’UE n’est pas immobile face à l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche qui menace de droits de douane agressifs tant l’UE que le Mexique. Soucieux de ne pas braquer le nouvel hôte de la Maison-Blanche, l’exécutif mexicain a depuis démenti que l’accord avec l’UE était conclu : « Le travail continue et il n’y a pas encore d’accord final  » est-il dit du côté Mexico. La présidente Claudia Sheinbaum a même affirmé que « tout devait s’aligner sur notre plan, le plan Mexique, qui se concentre sur le renforcement de la production au Mexique ». Son plan pour le Mexique vise à créer 1,5 million d’emplois, en faisant passer le développement national avant l’ouverture aux investissements étrangers.

Loin de régler les aspects problématiques du cadre existant, cet accord approfondirait la libéralisation du commerce transatlantique, ouvrir de nouveaux marché et donnerait de nouveaux droits aux entreprises multinationales, à rebours de ce qui serait nécessaire pour faire face aux crises sanitaires, sociales, économiques et écologiques que nous connaissons.
Le nouvel accord devrait en effet lever les barrières tarifaires (droits de douanes...) pour 99% des produits échangés entre l’UE et le Mexique. Les exportations de riz (+998%), de viande (+848%), de sucre (+450%) du Mexique vers l’UE pourraient exploser, tandis que celles de l’UE vers le Mexique, comme pour les produits laitiers (+462%) le bœuf (+660%) et le sucre (1245%) pourraient en faire autant. L’accord comprend un quota de 20 000 tonnes supplémentaires de bœuf qui pourraient être importées sur les marchés européens.

Cet accord lèverait également de nombreuses barrières commerciales non tarifaires et ouvrirait les marchés publics des collectivités territoriales mexicaines aux multinationales européennes. Selon la Commission européenne, c’est la première fois que le Mexique accorde aux entreprises étrangères l’accès aux marchés publics nationaux, territoriaux et locaux. Cela pourrait avoir des conséquences désastreuses au Mexique : privatisation des services publics, perte d’emplois, etc. Cet accord UE-Mexique est également le premier accord avec un État latino-américain à disposer d’un chapitre sur l’investissement qui accorde aux entreprises européennes le droit exclusif de poursuivre l’État mexicain devant un tribunal d’arbitrage investisseur-État (RDIE – ISDS en anglais).

Avec ce projet d’accord, le Mexique s’engage également à adhérer à la dernière convention de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) de 1991 qui conduit à accélérer la privatisation des semences et à renforcer le pouvoir des fabricants européens de semences et de pesticides. L’UE exporte près de 5000 tonnes par an de pesticides non autorisés en Europe. Le monde agricole et paysan va payer un lourd tribut à la mise en oeuvre d’un tel accord, alors que, dans le même temps, les dispositions visant à protéger les droits humains, le droit des travailleurs, la planète et le climat sont extrêmement limitées.

Autant de raisons qui justifient que plus de 120 organisations de la société civile mexicaine et européenne, dont plus d’une vingtaine françaises, aient publié en juillet 2022 une lettre ouverte qui appelle les dirigeants politique du Mexique et de l’UE et de ses États-membres, dont la France, à ne pas ratifier l’accord de libre-échange "modernisé" entre l’UE et le Mexique.

Notes :

  • Communiqué de la Commission européenne du 17 janvier 2025
  • Appel de 120 organisations de la société civile européenne et mexicaine (avec la liste des signataires) : Six raisons pour NE PAS ratifier l’accord global UE-Mexique
  • le dossier de la Commission européenne sur l’accord UE-Mexique
  • les textes de l’accord avant révision légale et traduction
  • le guide d’analyse de l’accord UE-Mexique publié par le collectif Stop CETA-MERCOSUR, l’Aitec et Attac France
  • liste des organisations signataires en France : Aitec, Alofa Tuvalu, Amis de la Terre France, Attac France, BLOOM Association, CADTM France, CCFD-Terre Solidaire, Collectif Alerte France Brésil / MD18, collectif Stop CETA-Mercosur, Comite de solidaridad con los Pueblos Indigenas de las Americas, Comité Pauvreté et Politique, Confédération paysanne, CRID, Emmaus International, Europe solidaire sans frontières (ESSF), Fondation Copernic, Fondation Danielle Mitterrand, France Amerique Latine – FAL, France Nature Environnement, FSU,Générations Futures, Les Amis du Monde Diplomatique, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Notre Maison Brûle, Tierra y Libertad para Arauco – Wallmapu, Union syndicale Solidaires

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