Le 13 décembre dernier, en pleine COP28 sur le climat, l’Union européenne et le Chili ont signé un nouvel accord de libéralisation du commerce et de l’investissement qui doit prendre la suite de l’accord existant depuis 2003. Il est désormais sur la table du Parlement européen pour ratification, ce mercredi 24 janvier à l’occasion de la réunion de la Commission commerce international (INTA) avant de l’être de celui du Parlement européen dans son ensemble à la fin du mois de février. Dans une déclaration signée par plus de 100 organisations européennes, dont plus d’une vingtaine française (voir liste ci-dessous), la société civile appelle les eurodéputés européens à voter contre cet accord qui va enfermer le Chili dans une dépendance accrue à l’exportation de matières premières minières et agricoles, au détriment des populations locales et de l’environnement. Côté européen, en pleine mobilisation des agriculteurs, cet accord, comme l’accord UE-Nouvelle-Zélande ratifié en décembre, va conduire à importer toujours plus de produits agricoles de l’autre bout de la planète et déstabiliser un peu plus les marchés agricoles.
Accès à la déclaration signée par 100 organisations : ici en français et .pdf - versions en anglais, espagnol, portugais, allemand disponibles ici
Selon la Commission européenne, cet accord va faciliter l’approvisionnement de l’UE en matières premières cruciales pour la transition énergétique et en diversifier l’origine. Dans les faits, un tel accord va accentuer la dépendance du Chili à l’exportation de matières premières et aux marchés mondiaux, plutôt que favoriser le développement d’une industrie et d’une économie locales créatrices d’emplois locaux. Cet accord comporte en effet des dispositions favorables à l’Union européenne qui vont limiter d’autant les capacités du Chili à valoriser ses matières premières sur son territoire : taxer les exportations minières, soutenir les entreprises locales, différencier les prix en fonction de la destination, réglementer l’accès aux investisseurs étrangers seront considérées comme des obstacles au commerce et pourraient être prétexte à des sanctions. Résultat, ce sont les entreprises multinationales qui exploitent, commercent et importent les matières premières qui en seront les grandes gagnantes, au détriment du peuple chilien, de ses territoires et de la planète.
Si le Chili ne se place qu’au 21e rand des importations agricoles européennes, les quotas d’importation sans droits de douane vont encore augmenter pour le porc, le bœuf ou la viande ovine. Celui de la viande de volaille double pour atteindre les 38 000 tonnes. De nouveaux quotas sont créés pour les préparations de fruits (10 000 tonnes), l’huile d’olive (11 000 tonnes) ou encore l’éthanol (2000 tonnes). Veut-on vraiment, encore en 2023, augmenter les importations agricoles provenant de l’autre bout de la planète ? Par ailleurs, l’accord ne prévoit aucune disposition qui impose aux produits agricoles chiliens d’être alignés sur la législation qui encadre la production de produits européens. Les produits agricoles chiliens contenant des pesticides devront se limiter à respecter les limites maximales de résidus définies au niveau international, limites qui peuvent être supérieures à celles en vigueur dans l’UE.
Enfin, les entreprises européennes présentes dans le secteur des services vont très largement bénéficier de cet accord qui ouvre bon nombre de marchés publics chiliens (livraisons, télécommunications, transport maritime et services financiers) dans des conditions qui les favoriseront au détriment des entreprises locales. Plus généralement, les dispositions portant sur le climat sont faibles ou non contraignantes, et qui entrera nécessairement en contradiction avec les engagements de l’Accord de Paris.
Pour court-circuiter d’éventuelles oppositions à la ratification de cet accord au sein des États-Membres de l’UE, la Commission européenne a scindé ce nouvel accord en deux parties :
- un accord dit « cadre avancé » comprenant les trois chapitres portant sur l’investissement, les services financiers et les flux de capitaux qui représente la partie mixte de l’accord, soumise à validation des États-Membres,
- un accord commercial intérimaire (interim Free Trade Agreement), comprenant 33 chapitres portant sur les compétences exclusives de l’UE, qui ne sont pas soumises à la ratification nationale.
Si le Parlement européen vote favorablement cet accord commercial intérimaire, il sera ratifié et pourra entrer en vigueur. L’accord cadre-avancé devra être ratifié par chacun des pays avant de l’être également.
Pour les 100 organisations signataires de la déclaration de la société civile « l’accord UE-Chili s’inscrit dans un modèle commercial suranné qui doit être abandonné si nous voulons que la transition verte de de l’UE soit véritablement équitable. Les accords commerciaux néo-coloniaux appartiennent au passé. Raisons pour lesquelles nous appelons les députés européens à voter CONTRE cet accord ».
Liste des organisations françaises signataires de la déclaration publiée en janvier 2024 :
ActionAid France, Action non-violente COP 21, Aitec, Alternatiba, Alofa Tuvalu, Attac France, Bloom, CADTM France, Canopée, Confédération paysanne, CGT, Collectif national Stop CETA-Mercosur, Extinction Rebellion, Fédération Artisans du Monde, France Amérique Latine - FAL , France Nature Environnement, FSU, Générations Futures, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Les Amis de la Terre, Les Amis du Monde diplomatique, L’Offensive, Notre Affaire À Tous, Sherpa, Veblen Institute
Pour aller plus loin :
- Le texte de l’accord UE-Chili tel que publié par la Commission européenne est accessible ici
- Décembre 2022 : Le nouvel accord commercial entre le Chili et l’UE doit être arrêté
- Ordre du jour de la Commission INTAT ces 24 et 25 janvier 2024
- Lettre ouverte au gouvernement français, octobre 2021 : Le groupe public ADP doit renoncer à poursuivre le Chili en raison de sa politique sanitaire face au COVID19
Pour vous informer et vous impliquer, vous pouvez :
- vous inscrire par mail sur le site du collectif Stop CETA-Mercosur
- suivre les comptes Twitter et Facebook du collectif,
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