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Questions au gouvernement : Accords UE-Mercosur, UE-Mexique, UE-Nouvelle-Zélande, TCE, CETA, Montagne d’Or, relocalisation

mardi 4 octobre 2022

Emmanuel Macron avait exigé et obtenu de la Commission européenne qu’il ne soit pas fait mention d’avancée publique sur les négociations, la signature ou la ratification d’accords de libéralisation du commerce et de l’investissement pendant la présidence française de l’UE (premier semestre 2022). Depuis, un accord de principe a été annoncé sur les négociations entre l’UE et la Nouvelle-Zélande, une relance de l’accord UE-Mercosur est relatée par la presse spécialisée et les négociations se poursuivent, encouragées par Ursula Von der Leyen lors de son discours sur l’état de l’Union, avec le Chili, le Mexique, l’Inde ou l’Australie. Dans le même temps, c’est silence radio à l’Elysée, Matignon ou Bercy. Depuis sa nomination, le Ministre délégué chargé du Commerce extérieur, Olivier Becht, ne s’est toujours pas exprimé publiquement sur les accords de commerce et d’investissement en cours de négociation, finalisation ou ratification. Raison pour laquelle le collectif national Stop CETA-Mercosur qui rassemble les organisations associatives, ONG et syndicales françaises engagées contre les accords de libéralisation du commerce et de l’investissement, publie une série de questions qu’il aimerait voir posées au gouvernement à l’occasion de l’audition du ministre ce 4 octobre à l’Assemblée nationale.

1) Question générale : En période de sobriété imposée et d’efforts entrepris en faveur de la "relocalisation", quelle est la position de la France face aux velléités de la Commission européenne de vouloir rapidement "ratifier les accords de commerce avec le Chili, le Mexique et la Nouvelle-Zélande" et "poursuivre les négociations avec l’Australie et l’Inde", tout en cherchant à ressusciter l’accord UE-Mercosur ? Alors qu’il est désormais largement acquis qu’il est nécessaire de réduire immédiatement et massivement et nos émissions de gaz à effet de serre, est-il vraiment raisonnable de vouloir augmenter les importations et exportations avec des pays se situant à des dizaines de milliers de kilomètres de la France et de l’Union européenne ?

Sources et compléments :

2) Question spécifique Accord UE-Mercosur  : alors que le réchauffement climatique frappe durement nos pays et que les niveaux de déforestation en Amazonie n’ont jamais été si élevés, l’agence Reuters a révélé que la Commission européenne multipliait les initiatives pour ressusciter l’accord de libéralisation du commerce entre l’UE et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Cet accord, qui vise principalement à importer plus de viande et de produits agricoles du Mercosur pour y exporter plus de voitures et de pesticides, va aggraver l’urgence climatique, la déforestation, les droits des populations et la situation déjà compliquée des paysan.nes. Favorable au moment de la conclusion de l’accord, la position française est devenue négative à l’occasion du G7 de Biarritz (2019) où Emmanuel Macron avait affirmé d’être opposé à l’accord "en l’état". Qu’en est-il aujourd’hui ? La France partage-t-elle les efforts de la Commission européenne pour ressusciter cet accord UE-Mercosur ? Que signifie "en l’état" : est-ce parce que le contenu de l’accord ne convient pas à la France ou était-ce une position d’attente le temps que Javier Bolsonaro quitte le pouvoir ?

Sources et compléments :

3) Question spécifique Accord UE-Mexique  : Négocié dans l’opacité la plus totale, l’accord UE-Mexique, qui a été conclu en avril 2020, en pleine pandémie, va approfondir la libéralisation du commerce, ouvrir de nouveaux marchés et donner de nouveaux droits aux entreprises multinationales, à rebours de ce qui serait nécessaire pour faire face aux crises sanitaires, sociales, économiques et écologiques que nous connaissons. S’il devait être ratifié, cet accord remplacerait l’accord EU-Mexique actuellement en vigueur depuis l’an 2000, sans en régler les aspects problématiques. En plus de comprendre un quota de 20 000 tonnes supplémentaires de bœuf qui pourraient être importées en Europe du Mexique, cet accord UE-Mexique est également le premier accord avec un État latino-américain à disposer d’un chapitre sur l’investissement qui accorde aux entreprises européennes le droit exclusif de poursuivre l’État mexicain devant un tribunal d’arbitrage investisseur-État, et réciproquement (RDIE – ISDS en anglais). La Commission européenne souhaite court-circuiter la ratification nationale, qui allonge énormément le processus (le CETA, accord UE-Canada n’est toujours pas pleinement ratifié), en « divisant » l’accord en deux pour que la partie commerce ne soit ratifiée qu’au niveau européen, et pas au niveau national. Quelle est la position de la France sur le contenu de cet accord ? Sur le processus de ratification envisagé par la Commission européenne ?

Sources et compléments :

4) Question spécifique Accord UE-Nouvelle-Zélande : Après 4 ans de négociations, Bruxelles et Wellington ont annoncé jeudi 30 juin un nouvel accord commercial sans qu’il n’y ait jamais eu de documents rendus publics à l’occasion de ces négociations qui se sont un fois de plus déroulées dans la plus grande opacité. L’UE assure que cet accord aboutira à une augmentation de 30 % des échanges entre les deux parties. A-t-on vraiment besoin d’importer plus de kiwis, de viande et du lait de l’autre bout de la planète ? Est-ce vraiment l’idée que l’on se fait de l’avenir de l’économie, des échanges commerciaux et de l’alimentation que d’augmenter les transports liés aux aliments que nous consommons en France et en Europe ? Atrazine et Diflubenzuron, interdits en Europe, sont utilisés par les producteurs de lait et de viande de Nouvelle-Zélande : veut-on manger ici des viandes et laitages produits dans ces conditions ? En mars 2020, Emmanuel Macron avait affirmé que "déléguer notre alimentation (...) à d’autres est une folie". La France soutient-elle ce nouvel accord avec la Nouvelle-Zélande ?

5) Question spécifique sur le Traité sur la charte de l’énergie : Depuis le 2 septembre, la France est officiellement poursuivie au titre du Traité sur la charte de l’énergie (TCE). C’est une première. L’investisseur allemand Encavis AG, et trois de ses filiales, dont deux françaises, ont en effet engagé une procédure d’arbitrage contre la France, suite à la révision à la baisse des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque, décidée par le gouvernement français en 2020. Sans réaction à ce sujet, le gouvernement français ne s’est toujours pas prononcé sur l’avenir du TCE, traité nocif tant pour la transition énergétique que pour la capacité des pouvoirs publics de réguler finement le secteur. Le processus de modernisation de ce traité prévoit de prolonger la protection des investissements dans les énergies fossiles sur une trop longue période, ainsi que d’étendre la protection des investisseurs à de nouveaux investissements dans l’énergie (captage et stockage du carbone, biomasse, hydrogène, combustibles synthétiques, etc.), et donc, les risques de litiges. Alors que ces nouvelles dispositions pourraient être entérinées prochainement par le Conseil de l’UE, puis lors d’une conférence des États-membres du TCE le 22 novembre prochain, le gouvernement français va-t-il enfin préciser publiquement quelle est sa ligne à ce sujet ? La France est-elle prête à suivre l’Espagne, voire la Pologne, et à se retirer du TCE ?

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6) Question spécifique sur le CETA  : signé en octobre 2016, le CETA, l’accord de libre-échange avec le Canada, est désormais en vigueur de manière provisoire depuis le 21 septembre 2017. Cinq ans d’application provisoire parce qu’Emmanuel Macron sait qu’il n’y a pas de majorité dans les Assemblées pour ratifier le CETA. Entre temps, la Convention citoyenne pour le climat avait demandé à Emmanuel Macron de rejeter cet accord. Mais c’est silence radio à l’Elysée et Matignon à ce sujet alors que la majorité présidentielle s’était fortement divisée lors du vote du CETA à l’Assemblée nationale le 23 juillet 2019. A défaut de décision à l’Elysée, le processus démocratique autour de cette ratification doit reprendre car son application actuelle, soi-disant provisoire, est un passage en force. Les accords de libre-échange, tel le CETA, organisent une compétition internationale qui tire les prix vers le bas au détriment des normes sociales et environnementales. Ils sont climaticides, destructeurs des économies et agricultures locales, à rebours de toutes tentatives de politiques publiques de relocalisation, de transition sociale et écologique et de souveraineté alimentaire. La presse européenne relate la volonté de la coalition allemande au pouvoir d’ajouter une annexe au CETA afin de pouvoir le valider au Bundestag. Jusqu’à quand va durer l’application provisoire du CETA en France ? Le CETA va-t-il être inscrit à l’ordre du jour du Sénat ? La France a-t-elle une position sur l’annexe proposée par l’Allemagne, qui, selon nous, ne changerait en aucun cas les fondements de ce mécanisme de justice parallèle et climaticide" ?

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7) Question spécifique sur le litige Montagne d’Or-Investisseurs Russes

L’entreprise Nordgold réclame 4 milliards € à la France en réparation de la décision du gouvernement français de ne pas prolonger la concession minière de la Montagne d’Or. Ce contentieux est ouvert devant un tribunal arbitral dans le cadre du Traité bilatéral de protection des investissements entre la France et la Russie qui est entré en vigueur en 1991. Comme le montre les analyses produites, ce cas illustre d’abord les errements et manquements des gouvernements français successifs, et particulièrement d’Emmanuel Macron, qui ont trop longtemps soutenu et encouragé ce projet d’exploitation aurifère en Guyane. A l’heure de la guerre en Ukraine menée par la Russie, est-il concevable que des oligarques russes sous sanction internationale (dont Mr Mordashov, propriétaire réel de Nordgold) puissent poursuivre la France dans le cadre d’un traité France-Russie dont la légitimité est quand même fortement éprouvée à l’égard de la réalité de cette guerre et nouvelle situation géopolitique ? Où en est-on ? Quel cabinet d’avocats défend la France ? Quel est le coût de la défense devant ce tribunal ? Le législateur, les contribuables et l’opinion publique ont le droit de savoir. Les sanctions internationales affectent-elles l’avenir de ce contentieux ? Allez-vous envisager la suspension du traité France-Russie compte tenu des sanctions à l’œuvre ?

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