Selon un nouveau rapport publié par l’Aitec et 16 partenaires européens [1], la « nouvelle » proposition de la Commission en matière d’arbitrage d’investissement s’apprête à confirmer les pleins pouvoirs déjà confiés aux entreprises et investisseurs étrangers par l’ISDS (Règlement des différends Investisseur-État). Ressuscité dans des habits d’apparence neuve et inoffensive, l’ISDS persiste pourtant dans sa nature et ses objectifs. La publication de cette étude intervient quelques jours avant la réouverture des discussions sur la protection de l’investissement dans le TAFTA à Bruxelles, pour la première fois après deux ans (résumé en français, rapport en anglais). La publication de cette étude intervient quelques jours avant la réouverture des discussions sur la protection de l’investissement dans le TAFTA [2].
« L’ISDS ressuscité – Rebaptisé ’ICS’, la ’Charte des pleins pouvoirs’ des entreprises renaît sous une nouvelle forme » montre comment la promotion des privilèges des investisseurs étrangers dans le négociations commerciales de l’UE se poursuit quand bien même la Commission tente de rebaptiser le mécanisme d’arbitrage Investisseur-État sous un nouveau nom : l’« ICS » pour Investment Court System ou Système judiciaire sur l’investissement. Suite à la publication de la proposition européenne, la polémique avait gonflé en Europe à l’automne dernier, et beaucoup avaient dénoncé la menace directe portée par ce "nouveau" mécanisme, conçu en réalité pour apprivoiser l’opposition massive au mécanisme ISDS.
Le rapport montre qu’en vertu de l’ICS, la responsabilité et les risques financiers incombant aux États membres de l’UE seront démultipliés. 19 pays supplémentaires de l’UE pourront désormais être directement attaqués par les investisseurs états-uniens, contre seulement neuf pays aujourd’hui ayant déjà ratifié un accord d’investissement avec les États-Unis. Plus de 47 000 entreprises – contre 4 500 aujourd’hui – pourront intenter des poursuites, et le TAFTA créera un risque d’ouvrir la porte à 900 poursuites potentielles de la part d’investisseurs états-uniens contre l’UE, contre neuf contentieux publiquement connus aujourd’hui en vertu des traités existants.
Le rapport présente également l’étude d’un cas étourdissant : la poursuite du gouvernement états-unien par l’entreprise canadienne TransCanada, qui demande une compensation de 15 milliards de dollars suite au rejet du très controversé projet d’oléoduc Keystone XL par le Président Barack Obama. [3]. L’étude de cas montre que ce dossier "TransCanada" – à l’image d’autres procédures intentées contre des lois et réglementations visant à la protection de la santé, de l’environnement et, de manière générale, de l’intérêt général – sera tout a fait possible sous le régime de l’ICS puisque ce dernier inclut les mêmes droits exceptionnels pour les investisseurs que ceux sur lesquels est basée la plainte de TransCanada.
Pour Amélie Canonne, de l’Aitec, « L’ICS remet l’ISDS en selle sous une forme supposément acceptable pour l’opinion publique et les législateurs nationaux et pour la première fois depuis deux ans, il sera de retour dans les négociations sur le TAFTA la semaine prochaine. Or ce que la Commission propose correspond exactement à que les citoyens refusent : des droits exceptionnels pour les entreprises, assortis d’aucune obligation, et donc la possibilité d’exiger des milliards d’euros de compensation, ou de paralyser l’action publique, lorsqu’elles jugeront que les lois et les réglementations entravent leur habilité à engendrer des profits. ».
Et de poursuivre : « Des eurodéputés souhaitent l’inclusion de l’ICS dans l’accord UE-Cananada (CETA [4]). Mais le « nouveau » modèle d’ISDS proposé par la Commission est tout aussi dangereux pour la démocratie, la législation d’intérêt public, et l’argent du contribuable que l’ « ancienne » version du chapitre 10 sur la protection de l’investissement. Qui peut être dupe d’une telle opération ? ».
Résumé en français :
Rapport en anglais :