Cela fait des années que les organisations de la société civile se mobilisent pour demander à l’UE et à ses États-membres de quitter le Traité sur la charte de l’énergie (TCE) au motif qu’il est désormais utilisé par les investisseurs pour dissuader les pouvoirs publics de mener une transition énergétique d’ampleur (Loi Hulot édulcorée par exemple). Ces efforts commencent à porter leurs fruits : plusieurs ministres annoncent avoir écrit à la Commission européenne pour « étudier une sortie coordonnée de l’UE de ce traité ». La France ne doit pas en rester là et elle doit s’engager à s’en retirer de manière unilatérale à brève échéance en cas de refus.
L’annonce est tombée ce mardi 22 décembre en fin de journée, sous forme de tweets conjoints de plusieurs ministres (ici, ici et ici). Alors que cela fait des années que les organisations de la société civile européenne et française affirment que le Traité sur la Charte de l’énergie protège les énergies fossiles et les investisseurs du secteur au détriment de la transition énergétique et de la lutte contre les dérèglements climatiques (voir notre lettre ouverte de décembre 2019), ces arguments sont désormais ceux utilisés par le gouvernement pour demander à la Commission européenne « d’étudier une sortie coordonnée de l’UE de ce traité » (tweet de Barbara Pompili).
Cette prise de position intervient alors que négociations pour une « modernisation » du Traité ont débuté en 2020 et que quatre nouvelles sessions sont planifiées en 2021 (programme ici), sans obligation de résultat et sans date de fin de négociation. Compte-tenu de l’opposition de plusieurs pays, dont le Japon, il est peu probable que ces négociations aboutissent et encore moins probable d’obtenir plus que quelques modifications cosmétiques. Les propositions que l’UE, et donc la France, portent dans ce processus de négociation sont d’ailleurs très largement insuffisantes (voir notre position).
Il y a trois ans déjà, le TCE a été utilisé par une entreprise canadienne pour faire pression sur Nicolas Hulot et le gouvernement afin d’édulcorer, avec succès, la loi sur les hydrocarbures. A la même période, l’Italie décidait de quitter unilatéralement ce Traité. La France n’a rien fait. Dans l’idéal, l’UE et les États-membres devraient effectivement s’accorder et se retirer collectivement du TCE pour désarmer définitivement ce Traité de ses effets les plus nocifs. Mais le temps presse et la France ne peut se contenter de gentiment demander à la Commission d’étudier une sortie coordonnée : elle doit s’engager à s’en retirer de manière unilatérale à brève échéance. C’est d’ailleurs le meilleur moyen d’obtenir un retrait conjoint à l’échelle européenne.
Pour aller plus loin :
- En décembre 2019, dans une lettre ouverte signée 278 syndicats et associations, dont le collectif Stop CETA-Mercosur et plusieurs de ses membres, ont appelé l’UE et les États-membres à se retirer du TCE
- Le Traité sur la charte de l’énergie, l’accord qui protège les pollueurs, note d’information de l’Aitec et d’Attac France
- Ce 8 décembre, 200 scientifiques ont appelé l’UE et les États-membres à se retirer du TCE
- Les jeunes mobilisés pour le climat appellent également les États et l’UE à quitter le TCE
- Plus de 250 parlementaires appellent la Commission européenne et les États-membres à explorer la possibilité de se retirer conjointement de cet accord.
- Publication (en anglais) : Busting the myths around the energy charter treaty à l’initiative de CEO, TNI et Power shift, et co-publié par plus d’une vingtaine d’organisations, dont Attac France et l’Aitec.
- Résumé du rapport « Un traité pour les gouverner tous », Corporate Europe Observatory (CEO) et Transnational Institute (TNI), juin 2018.
- 10 raisons pour l’UE et les gouvernements de se retirer du Traité sur la Charte de l’énergie, Amis de la Terre,